Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol                              LES  CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 8 - 2002

 

LES NOMS DELIEUX DE REVEL

Par Pierre Henri Billy

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INTRODUCTION

 

La toponymie étudie les noms de lieux, qu'ils désignent des points comme les lieux habités ou les lieux-dits, des surfaces comme les massifs ou les lacs, des lignes comme les cours d'eau ou les rues et chemins.

 

 De façon restrictive, la toponymie traite des seuls noms de lieux habités ou lieux-dits, l'oronymie des noms de montagnes, l'hydronymie des noms de cours d'eau et lacs, l'odonymie des noms de rues et chemins.

 

 Dans la linguistique, deux disciplines scientifiques nous intéressent directement, la lexicologie qui étudie le lexique dans toutes ses composantes, l'onomastique qui étudie le nom propre.

 

 Le lexique que l'on retrouve en toponymie est essentiellement formé de noms communs, adjectifs et verbes. Le propre des noms communs (que nous nommerons désormais appellatifs) est de s'appliquer à des ensembles d'êtres ou de choses auxquels le nom s'applique de la même manière (pierre, fontaine, etc.) ; le propre des noms propres est de ne s'appliquer qu'à un être ou une chose pris en particulier (Pierre, Fontaine ont de nombreux homonymes mais s'appliquent toujours à des personnes ou des lieux bien déterminées, tant dans le temps que dans l'espace).

 

 Nombre de théoriciens essaient d'unir de force ces deux disciplines en niant toute absence de sens aux noms propres : or, il est impossible d'affirmer que Pierre a un sens comme pierre, mais l'on peut reconnaître que certains locuteurs (pour simplifier : certaines personnes) attribuent un sens à un nom propre qui en est pourtant dépourvu. Cela ne veut pas dire pour autant que le nom propre a un sens : intrinsèquement, il n'en a point ; extrinsèquement, il a la signification qu'on veut bien lui prêter.

 

Les noms propres sont formés sur des éléments lexicaux (Fontaine) mais aussi sur des noms propres (Pierre) au moment où ils sont attribués à une personne ou à un lieu. Et c'est ce moment précis qui a le plus d'intérêt dans l'étude du rapport entre appellatif et nom de lieu dans la mesure où il permet de dater ledit nom de lieu, de déterminer le sens qui est à l'origine de sa formation, et donc la motivation et du nom de lieu, et de sa formation.

 Ce moment du passage du nom commun au nom propre, qui peut durer plusieurs dizaines d'années, c'est le seuil qui détermine le passage du nom commun de vie à coma, et la naissance du nom propre. Le toponyme est, le plus souvent, le témoignage fossile de la phase d'agonie traversée par un appellatif : il n'en signifie pas toujours la mort.

 

A partir de l'étude des compoix de Revel, des cartes et du cadastre, avec l'aide de quelques documents médiévaux édités, nous pouvons proposer une esquisse de la toponymie à travers le temps et l'espace, ces deux notions qui sont inséparables et dans la formation des noms de lieu, et dans leur étude.

 

 

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1.PROTOHISTOIRE

 

La toponymie ne conserve aucun vestige toponymique de cette période, sauf dans les noms de rivières : sur la limite des communes de Soréze et de Belleserre, le Dourdou, dont le nom est formé sur un radical *DERD- "bruit" ; le Sor, éponyme de Soréze, formé sur le radical *SER- "couler"; le riu apelat Levezo, c. 1495, aujourd'hui Ruisseau de Las Taillados, qui se jette dans le Laudot en amont de Vaudreuille, issu d'une racine préceltique inconnue ; enfin le Laudot, rivum de Audaut, en 1359, dont la racine est identique à celle du fleuve Aude, d'origine aussi inconnue.

 

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2. ANTIQUITE

 

L'époque gauloise n'a guère laissé que trois noms : l'ancien nom de l'oppidum de Berniquaut, à la limite des communes de Soréze et de Durfort, est Verdunum, comme nous l'apprend une charte de 1141 : castellum ("village fortifié") et castellare ("château fort") quod olim antiquitus vocatum est Verdun et hodie vocatur Brunichellis, le nom signifiant en gaulois "super-forteresse". Ce site ayant été occupé à la dite époque est le jalon le plus précieux qusoit pour cette période. Ensuite, les deux villages de Dreuille (de Drullzano en 1342) et Vauré (de Vauro en 1342) doivent leur nom respectif à deux mots gaulois, le premier, DERIJLLIA, signifiant "chêne", le second, *VABERO-, signifiant "ravin" puis, à une date plus tardive, "forêt". Et l'on fait immédiatement le rapprochement avec la fameuse forêt de Vauré.

La répartition géographique des vestiges archéologiques attribués à l'époque gallo­romaine ne présente pas de caractéristiques particulières : habitat de montagne à Berniquaut, de coteau à Pech de Maffre et Lamittatmens, de plaine partout ailleurs. Il est toutefois important de noter qu'aucun ne se trouve dans les zones humides de la plaine et que les deux derniers cités sont situés dans la zone occupée par la forêt au Bas Moyen Age.

Une des traces les plus connues, en toponymie, de l'occupation du sol dans la Basse Antiquité, réside dans les noms formés sur le suffixe gaulois -ACUM. Les communes étudiées n'en recèlent que trois exemples : la bergerie de Gajac sur le Causse de Soréze, au XVIIIe s., le rieu de Raissac au XVIe s. qui coule au Nord de Couffinal, et le lieu dit al Mausac au XVIe s., situé à quelques dizaines de mètres. Il semble bien que ces trois noms soient tous issus de noms de famille à la fin du Moyen Age.

 

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3. MOYEN AGE

 

La toponymie médiévale est chiche dans les documents qui ne mentionnent guère que les habitats fortifiés, les églises et les villages.

Concernant l'actuelle commune de Revel et de Vaudreuille, les compoix, registres fiscaux de l'époque, de 1495 environ, 1596 et 1690, permettent non seulement de conserver la trace écrite de nombreux noms de lieux disparus, et difficilement localisables sur les cartes actuelles dans la mesure où leurs confronts sont le plus souvent des noms de personnes, mais aussi de retrouver quelques noms de lieux qui ont perduré au moins jusqu'au cadastre dit napoléonien qui, pour Revel, date de 1831. De son côté, le cadastre actuel, dit rénové, n'enregistre que la moitié des noms portés sur le précédent cadastre, mais aussi quelques nouveaux.

Le compoix de vers 1495 contient quelque 25% des noms qui ont survécu jusqu'en 1831. Parmi ces noms de la fin du Bas Moyen Age, 10% désignent des hameaux, 43% des métairies, le reste des lieux-dits non habités. Très peu de lieux habités portent un nom d'origine anthroponymique : au singulier, Bombernat ; au pluriel, Les Barraux, Les Péris et Les Pugets. La tendance onomastique est ainsi marquée pour la fondation de hameaux autour d'une souche familiale, mais la tendance démographique se porte franchement sur les petits habitats dispersés que sont les métairies.

La répartition de l'habitat se fait avec pour seul critère la proximité d'une voie de communication existante.

 

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4. XVIe SIECLE

 

Dans le compoix de 1596 figure la plus forte proportion de noms qui ont subsisté jusqu'à 1831 : 41%. Parmi eux, 20% désignent des hameaux, 39% des métairies ou des maisons, le reste des lieux-dits non habités. Il semblerait donc que cette période ait été marquée par un agrandissement de l'espace habité mais aussi mis en valeur. La tendance reste à la fondation de hameaux autour d'une souche familiale, même s'ils sont deux fois moins nombreux que les écarts : il est clair que le XVle s. est l'époque la plus féconde pour les fondations groupées. Plus de la moitié des lieux habités portent alors un nom d'origine anthroponymique : soit le nom de baptême suivi du nom de famille, comme Jean Vidal ; soit le nom de famille au singulier comme Rodié ou au pluriel comme Les Dauzats

Seuls les noms de cette période témoignent jusqu'aujourd'hui des défrichements dont sont issus ces terrains nouvellement acquis sur la nature, comme Barthal& Les Bousigues et Enbouscade.

La répartition de l'habitat montre une prise en main du vaste territoire jusque-là soumis aux bois, taillis, friches et marais. Il semble qu'on assiste alors au grand développement des défrichements sur les coteaux, des prés et pâturages principalement dans les zones humides et des cultures notamment sur le plateau de Couffinal.

 

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5. XVIIe SIECLE

 

 Dans le compoix de 1690, la proportion de noms ayant susbsisté jusqu'au XIXe s. est plus faible qu'au XVe : 20%. Parmi eux, 9% désignent des hameaux, 74% des métairies, le reste des lieux non habités. Il est patent que l'époque se caractérise par l'occupation individuelle des interstices géographiques qui subsistent à l'intérieur du maillage de l'habitat composé depuis la fin du Moyen Age. La moitié des noms de lieux habités sont formés sur un anthroponyme : nom de famille au singulier comme Dupuy, ou au pluriel comme Gaillardes. Notons une particularité : se forme à cette époque le nom de lieu Landelle, au-delà de Dreuilhe, qui n'est pas issu comme La Landelle du mot occitan désignant une petite lande, mais du nom de famille Landelle lui-même issu du nom de lieu

La répartition géographique montre une avancée dans les zones humides beaucoup plus nette que dans les autres zones.

 

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6. XVIIIe SIECLE

 

Pour cette époque, nous avons utilisé le premier recensement communal, celui de 1795, qui établit la liste de tous les habitants de la commune en mentionnant toujours le nom de leur demeure. Dans ce document, qui ne porte bien évidemment que des noms de lieux habités, ne figurent que 14% des noms qui, fondés entre la fin du Moyen Age et celle du XVIIIe s., ont subsisté jusqu'en 1831. C'est dire assez que ce siècle n'est pas marqué par un élargissement de l'espace habité : toutes ou presque toutes les terres à prendre ont été prises. Un tiers de ces noms reposent sur un anthroponyme : au singulier comme Ponse, ou avec le démonstratif occitan (a)co "ceci" comme Codarman que nous pourrions traduire par "ceci d'Arman", c'est-à-dire "le bien de M. Arman".

C'est à ce moment que sont formés pour la dernière fois des noms de lieux sur un nom de famille précédé de la particule en, mot occitan issu du latin dominus au sens de "monsieur", comme Enpoumarede : cela signifie que l'usage de ce mot est encore attesté peu avant la Révolution.

La répartition géographique de ces nouveaux habitats est limitée à la seule plaine.

 

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7. XIXe-XXe SIECLE

 

Après la rédaction du cadastre de 1831, quelques nouveaux noms apparaissent : ce sont des nouveaux habitats comme Bourriette de Mandoul, mentionné sur la carte de 1887, aujourd'hui simplement appelée Mandoul, dont le nom est issu du propriétaire de parcelles y situées, dénommé Mandoul, en 1795 ; ou bien des lieux qui ont changé de nom, comme la métairie appelée Cotedor en 1887, aujourd'hui Calès du nom de son propriétaire à la fin du siècle dernier.

 

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1. LES LIMITES

 

 Quand on travaille sur de grands espaces, on a l'habitude de rechercher les traces des limites des grands territoires qui ont fait l'histoire du pays. Même à la frontière de deux départements, notre zone n'en comprend point.

Au milieu du Moyen Age, notre zone ressortit à deux diocèses : les paroisses de Soréze, Durfort, Couffinal, Vauré et Saint-Pierre-de-Calvayrac au diocèse d'Albi, puis de Lavaur à partir de 1317 ; Dreuilhe et Vaudreuille au diocèse de Carcassonne, puis de Saint­Papoul à la même date. A l'Ouest de l'actuelle limite départementale, commençait le diocèse de Toulouse. C'est justement sur le territoire de Saint-Félix, à un kilomètre environ de cette limite, que se situe la ferme appelée Coufinals : ce nom vient du latin médiéval confinalis, pour désigner un lieu à la limite de deux diocèses, ici ceux de Toulouse et de Carcassonne. C'est aussi le nom de l'ancienne paroisse de Couffinal, créée bien avant la bastide de Revel, et aussi, probablement, avant la petite paroisse de Saint-Pierre-de-Calvayrac, mais après la paroisse de Vauré : elle était alors séparée du diocèse de Carcassonne par la grande forêt de Vauré, d'où son nom. Rappelons à cet égard que les limites aussi bien antiques que médiévales ne correspondent point à la notion linéaire que nous en avons aujourd'hui, mais le plus souvent, quand ce ne sont pas des cours d'eau, à de véritables marches, zones pas ou peu habitées mais fortement boisées ou montagneuses.

Notre zone possède quelques noms ayant servi à désigner les bornes : ainsi, La Bolle, nom d'un terroir sis près de Lasprades, en 1596, pour délimiter les paroisses de Vaudreuille et de Labécède. La commune de Soréze a la particularité de recéler plusieurs pierres plantées : à la limite avec Revel, lieu-dit La Pierre Plantée ; à la limite avec les trois communes de St­Amancet, Dourgne et Arfons, autre lieu-dit La Pierre Plantée ; à la limite avec Durfort, lieu­dit Peyre-Ficade, sur la crête, en fait une simple borne ; à la même limite, mais au Sud-Ouest, une peyro ficado, "pierre plantée" en occitan, déplacée de quelques centaines de mètres ; toute proche, à la limite entre Les Brunels et Vaudreuille, la peyre ficade de Peyre-Bazal, surmontée d'une croix. Certaines de ces pierres sont en fait des pierres dites à cupules, de l'ère néolithique (2000 ans avant notre ère ?), qui ont été, de par leur emplacement, réutilisées comme bornes, quand elles n'ont pas été christianisées comme à Peyre-Bazal.

Les bornes servent à délimiter tous les territoires, paroissiaux, seigneuriaux, toutes les propriétés foncières. En décembre 1359, soit 17 ans après la fondation de Revel, le roi fait procéder à un nouveau marquage des limites de la forêt royale dite de Vauré en faisant planter 27 "pierres dressées en guise de bornes". En 1713, Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuille et lieutenant général pour le roi, fait ajouter au compoix de 1697 la mention suivante :"terre et pasturage au devant et du costé de midy la ditte méttérie [du Moulin de l'Aigue], confrontant du levant terre ruralle dudit seigneur, fossé au milieu, où il a esté planté deux bornes pour en faire la division, sur lesquelles il a esté gravé du costé de laditte pièce, à l'une bien noble, et à l'autre bien noble simplement, et du costé de la ruralle, bien rural".

Les croix sont aussi bien plantées à des carrefours que sur des limites territoriales : ainsi, le terroir dit a la Croux de Vauldruille en 1596 se situe-t-il à la limite des paroisses de Vaudreuille et de Dreuilhe. 

 

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2. LE MILIEU PHYSIQUE

2.1. RELIEF

 

La proximité de la Montagne Noire et la présence même de ses contreforts dans notre zone expliquent le nombre important des toponymes de relief

Toute la rive gauche du Laudot, en gros la moitié sud de la commune de Vaudreuille, est appelée la Montaigne par les compoix postérieurs au Moyen Age. Le plus étonnant peut­être sera de trouver au XVIe s. deux lieux-dits La Montaigne et La Montaignette tous deux dans la plaine entre La Pomme et La Landelle : la topographie ne laisse rien déceler et l'on peut penser à des amas de terre voire à des tumulus, disparus depuis. Toutes les autres petites élévations sont appelées Pech, et l'on aura quelque difficulté à reconnaître dans les Pépelier, Pétounat et Pennagasse d'anciens Pech Belier, Pech Donat et Pech n'Agasse, tous trois composés sur un nom de famille entre le XIVE et le XVIe s.

Les plateaux sont rarement désignés : Lacam, à la limite du Sindicat, sur l'occitan cam "plateau rocheux" ; Planesas, à Dreuilhe, sur planesa "petit plateau". Les lieux plats, de petite surface, sont appelés Platoulo, Pla ou Plo (d'où le Plan Barre en 1596 au faubourg de Dreuilhe, du nom du propriétaire), ceux de grande surface sont dits Plane : ces petites plaines bordent les rivières, d'où aussi le nom de Ribieira pour désigner ces vastes étendues de pâturages notamment à Vauré.

Les flancs des plateaux ou des coteaux forment une bonne part du vocabulaire toponymique : Lasserre, sur serra "bord de plateau" ; Coste, Coustou, Coustat, Coustaret désignent ces flancs porteurs le plus souvent de vignes ou de friches.

Les vallons sont nommés Combe, plus rarement Combette. Quant 'hux vallées, notre zone offre deux exemples de composition lexicale faite au début du Bas Moyen Age : Valsor qui a désigné la vallée du Sor en amont de Durfort, et Vaudreuille (de Valle Drulhano en 1342) la vallée du Laudot au-delà de Dreuille.

La composition du sol est aussi largement évoquée : la terre légère dans les Seguialas du plateau de Couffinal, la terre calcaire dans les Causse et Caussels, terroirs situés sur des plateaux ; la terre graveleuse dans Les Grabos, Gravete, al Gravilla, la terre caillouteuse dans La Garre, Garrette et Cayrous, tous situés en plaine.

 

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2.2  COURS D'EAU ET EAU STAGNANTE
 

Notre zone est drainée par deux principaux cours d'eau, le Sor qui baigne Durfort, limitée à l'Ouest par le Laudot qui le rejoint à Garrevaques, au Nord par deux petits ruisseaux, le Dourdou venu de Cahuzac et le ruisseau d'Aygo Pesado descendu du Causse qui surplombe Soréze et Saint-Amancet, tous deux affluents du Sor dans la commune de Blan.

L'Aygo Pesado doit son nom occitan de "rivière tracée" à sa configuration sur le terrain, semblable à un fossé artificiel.

Le ruisseau qui baigne Soréze porte un nom ancien, Orival. Ce nom est typique de ceux que les moines attribuaient aux emplacements de leurs abbayes ou prieurés: "la vallée dorée". Nous rappellerons pour mémoire l'abbaye d'Orval en Belgique wallonne.

De très nombreux ruisselets parcourent la montagne et la plaine : au Moyen Age et sous l'Ancien Régime, ils ont un nom, oublié depuis. Nous mentionnerons en particulier la Sourette, affluent du Sor qui fait limite entre les communes de Soréze et d'Arfons ; le Req de Neguesaumes, qui passait à La Landelle et se jetait dans le Laudot, et dont le nom signifie "ruisseau où se noient les bêtes de somme", appellation moqueuse pour un petit ruisselet, aujourd'hui appelé Mairal ; le Rec de Nade Grel anciennement à Durfort, avec le sens de "ruisseau où nage le grillon".

Pour mémoire, nous rappellerons que le ruisseau, aujourd'hui souterrain, qui traverse Revel sous le Ciné Get en direction de la Poste, entre la rue Georges Sabo et la rue des Soeurs, est dit le Rec Mairal en 1596, le Mairal encore aujourd'hui.

Le plus intéressant dans les cours d'eau de notre zone est le fait qu'ils changeaient de nom dans l'espace :

Le Sor est appelé le Mayral en 1559 à Durfort, la Mayre c.1495 à Revel, et, toujours à Revel, la Mayre et le Sor en 1596. Ce qui explique pourquoi l'on traverse le Sor quand on passe sur le Pont de la Mayré. En occitan, maire et mairal ont tous deux le sens de "lit principal d'un ruisseau"

L'ancien lit du Sor à Pontpauly est appelé lo Riu Peyros et Riu de Merdous, c.1495, Rieu de Merdoux en 1596, la Maire en 1690. Ces deux noms parlent d'eux-mêmes, le premier évoquant le caractère pierreux, le second le caractère boueux.

Le Ruisseau d'Aygo Pesado est appelé le Rec Mairal en 1690 au niveau de Bosc­Batut, le Rieu d'Aigue Esparse en 1495 et 1596 au niveau des Crozes, donc un peu plus en aval. Sur son parcours amont, il garde son nom originel.

Le Laudot est appelé la Maire Vieille en 1596, à la limite des consulats (aujourd'hui nous dirions les communes) de Revel et de Saint-Félix ; à la limite des consulats de Revel et de Nogaret, il est dit le Rieu Moulen en 1596 ; la Maire del Rieu Tort en 1596 et 1690 à la limite des consulats de Revel et de Montgey : ce nom vient du Rieu Tort, affl. r. d. du Laudot, qui délimite les consulats de Revel et de Montégut au niveau d'Anticamarède ; enfin, au niveau de Lescure, il est appelé le Mairal, à la même date. Le nom du Rieu Moulen s'explique aisément par l'activité meunière qu'engendrait le cours d'eau.

Les ponts qui traversent ces ruisseaux sont appelés Pont ou Pontet, nom d'un terroir situé en 1596 près de Pontpauly, sur l'ancien lit du Sor ; les passerelles en bois sont dites Planque, d'où le lieu dit Planquetorte, métairie sise en 1690 sur le Mayral qui provient de La Landelle, appelé en 1690 le Req de Negue Saumes. Un seul gué est signalé, le Gua de Revel en 1596, situé au passage du Laudot sur le chemin de Saint-Félix.

Les sources sont nombreuses et toutes nommées Font suivi d'un nom de lieu ou de personne, propriétaire du terrain où elles sourdent. Un autre nom occitan de la source est Theroundel, attesté à Durfort.

Le drainage de la zone marécageuse n'a laissé que peu de traces dans la toponymie où l'on relève les noms occitans du fossé, Fosse, Fossat et Goffio.

 

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3.1.LES FORTIFICATIONS 

 

La plus ancienne fortification est sans conteste possible Berniquaut, anciennement Verdun. L'an mil et le début du Bas Moyen Age ont vu fleurir dans la montagne quelqueschâteaux, celui de Roquefort en amont de Durfort étant le plus important dans l'histoire régionale. Son nom parle de lui-même, "roche forte", avec le sens médiéval de roca pour désigner un château. Ensuite, plus bas, le site actuel du Castlar, aussi appelé Castel et Castellas en 1559, aujourd'hui ruiné, mais où figuraient et le château appelé Durfort et le village primitif, tous deux désertés dans la seconde partie du XIVe s. au profit de l'actuel village de Durfort. Deux siècles plus tôt, le site de Berniquaut avait connu le même sort au profit de l'actuel village de Soréze. Ces deux villages ont alors été fortifiés.

Nous retrouvons le même schéma pour Revel : il y avait au XIIQ s. un château au­dessus du site actuel du lac de Saint-Ferréol, alors appelé Mont Revel, aujourd'hui L Encastre, nom révélateur du site fortifié (in castrum). Avec la fondation de la bastide dans la plaine, le site primitif a perdu et son château, et son nom au profit de la bastide qui fut alors munie de murailles.

Le compoix de la fin du Moyen Age cite aussi deux villages fortifiés, les forts de Dreuille et des Crozes.

Difficilement datables sont les sites appelés Beaufort, La Tour et Torrela dont le nom est révélateur d'édifices médiévaux. Pour leur part, les châteaux de Beauregard et de Montcausson étaient attestés dès le XVe s.

La répartition est nette : les premiers sites fortifiés sont en montagne, les autres (fin XIIe s. et surtout après) en plaine.

 

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3.2. LES ETABLISSEMENTS ECCLESIASTIQUES ET LEURS SATELLITES

 

Au XIVe s., notre zone était répartie sur deux diocèses et divisée en sept paroisses, Vaudreuille, Dreuilhe, St-Pierre-de-Calvayrac, Revel, Vauré, Couffinal, Soréze et Durfort. A Vaudreuille, l'église Saint-Martin, probablement du Xe s. A Dreuilhe, l'église Saint-Saturnin, mentionnée au siècle suivant. A St-Pierre-de-Calvayrac, l'église éponyme. A Revel, l'église paroissiale Notre-Dame, l'église Saint-Antoine appartenant à l'ordre de St-Antoine-du­Viennois, l'église Notre-Dame de la Fraïsse dans l'actuel cimetière, la chapelle Saint-Roch sur la route de St-Ferréol (classiquement située près de la maladrerie). A Vauré, l'église Saint­Sernin. A Couffinal, l'église paroissiale Saint-André, une église à l'Enbouyé, une autre aux Pugets, l'église Saint-Alary dans un site disparu, enfin une chapelle au Fort des Crozes. A Soréze, l'église paroissiale Sainte-Marie, l'église abbatiale Saint-Martin et, en hauteur sur un chemin de Saint-Jacques, l'église Saint-Jammes dont le nom est encore conservé par un lieu dit. A Durfort enfin, l'église Saint-Etienne. Par les titulaires des églises, on est amené à penser que les plus anciennes (non par leurs bâtiments mais par leur date d'établissement) sont celles de Vaudreuille, de Dreuilhe, de Vauré, de Saint-Alary, de l'abbaye de Soréze et de Durfort, cette dernière ayant d'abord existé en amont du Sor, comme en témoignent les noms de Sementery ("cimetière") et de Saint-Estephe, puis plus bas à l'entrée du village comme en témoignent les noms de Eglise vieille en 1559 et Gleyse Trinquade ("ruinée") en 1615, avant d'être construite en son site actuel à l'intérieur du village.

La concentration d'églises munies de cimetières au Nord de Couffinal permet de supposer que leur édification fut antérieure à la fondation de la bastide de Revel en 1342. Cependant, ni en 1317 ni après ces églises n'eurent le statut d'églises paroissiales.

La puissance temporelle de l'abbaye de Soréze a laissé quelques traces dans la toponymie : un peu plus haut que son site, La Badio ("abbaye"), à Durfort le Bois de Labat ("l'abbé"), sur le Sor les Moulins de l'Abbé, du Chapitre. Les fondations pieuses qui consistaient à donner en rente une terre à une église ou à une abbaye, en échange de messes ad vitam aeternam, est à l'origine des noms suivants : La Cappellanie, le Champ de l'Obit, le Camp de l'Espurgatoire et le Moulin du Purgatoire.

 

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3.3. LES HABITATS GROUPES

 

 

Dans les compoix, la notion de hameau est rendue surtout par masatge, très rarement par mas et une fois capmas. Pourquoi trois mots pour une même notion ? Tout simplement parce que Revel se situe au confluent de trois aires lexicales, comme le montrent encore les dialectes actuels, où mas est employé dans le Tarn, kammas à Dreuilhe et au Nord-Ouest de Revel, ma.-atge dans la partie Nord de la Haute-Garonne. 

La bastide de Revel est entourée de murs, appelés muralha, avec, au pied des murs, des caussadas, rues pavées qui mènent à la campagne. Ce mur est ouvert de quatre portes, dites respectivement de Castres (au N.), de Soréze (à l'E.), de Notre-Dame (au S.) et de Saint­Antoine (à l'O.), chacune donnant sur la rue du même nom. L'intérieur de la ville est divisé en quartiers appelés molons, chacun étant entouré de rues appelées carrieyras.

A la fin du XVe s., la rue du Temple est composée de tronçons appelés carrieyra del Forn ("four banal") et de las Afacharias ("tanneries"), la rue Jean Moulin est dite carrieyra de Soreze ; la rue de Vauré, carrieyra de Bauré ; la rue Georges Sabo, carrieyra de Carcassona ; la rue Marius Audouy, carrieyra de SanctAnthoni (en référence à l'église Saint­Antoine) ; les rues des Soeurs, des Ecuries et du Four, carrieyra de Tholosa ; la rue de l'Etoile, carrieyra de l'Estella (d'origine inconnue, faisant référence soit au terroir soit à une enseigne d'auberge) ; la rue du Taur, carrieyra del Taur (référence au taureau qui servità supplicier saint Sernin en 250) ; la rue Notre-Dame, carrieyra de Nostra Dona (référence à l'église y située, Notre-Dame des Grâces) ; la rue Victor Hugo, carrieyra de Castras ; la rue de Dreuilhe, carrieyra de Drulha ; la rue du Cap-Martel, carrieyra Brenieyra (référence claire à la boue et à la saleté de la rue). Tous ces noms sont attribués dans le droit fil de la tradition médiévale : les lieux vers lesquels mènent les rues, les édifices devant lesquels elles passent, le caractère physique des rues. Bien des changements ont affecté depuis lors ces noms anciens, en fonction des édifices qui les jouxtaient : ainsi la rue du Temple en 1831 (en référence au Temple construit en 1570), la rue des Frères dès 1596 (référence aux Jacobins y situés) devenue Georges Sabo), la rue des Sceurs en 1801 (référence aux Soews de La Croix de Lavaur, y établies), la rue des Ecuries dès 1801 (déjà rue dels Estables en 1596), la rue du Four dès 1545, la rue du Cap-Martel dès 1690 (référence claire au cap-martel nom occitan d'un terrain en forme de hache, appliqué à cette rue perpendiculaire aux rues de Vauré et Marius Audouy, au départ simple ruelle dite brenneuse).

Les galeries de la place sont dites garlandas de la plassa, mot qui avait à l'époque le sens de "couronne".

Toujours intra muros, la place du Patty, ainsi appelée dès 1801 (référence au terrain de vaine pâture qui s'y trouvait) ; et Les Escoussières, le long de la muraille orientale (référence au chemin de ronde).

Le seul changement massif que Revel ait connu pour ses noms de rues fut bien éphémère : en 1793, Revel est devenue Commune montagnarde, la rue Notre-Dame rue du Temple de la Raison (du nouveau nom donné à l'église), la rue des Soews rue de l'Egalité, la rue des Frères rue de la Montagne, la rue Saint-Antoine rue des Sans-Culottes, la rue de Dreuilhe rue Marat. C'est dans ce contexte qu'Abel Loup, devenu maire en 1793, puis de nouveau en 1799, prénomma sa fille le 27 nivose an VII (16 janvier 1798) Mon souvenir du bien aimé : le bien aimé étant Marat, surnom que portait encore le père ce jour-là, en dépit d'un contexte politique pour le moins défavorable.

 

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3.4. LES BATIMENTS

 

Les compoix mentionnent essentiellement trois sortes de bâtiment : Postal, appelée maison à partir du XVIQ s., maison d'habitation en ville ; la borda, petite dépendance en ville, petite maison comprenant habitation et partie exploitation dans les fauxbourgs ; la boria, appelée metterie à partir du XVIe s., ferme classique avec bâtiment d'habitation et d'exploitation, appellation groupant aussi les dépendances et les terres à l'entour. Le sens de borda a évolué depuis : aujourd'hui, le mot désigne aussi bien une porcherie qu'une bergerie. Il est intéressant de noter les données de l'Atlas linguistique du Languedoc occidental : dans les années 1970, boryo désigne "l'ensemble maison d'habitation paysanne et les autres bâtiments de la ferme, incluant parfois les champs" dans le département du Tarn et à Dreuilhe, alors que bordo rend compte de la même notion dans le reste du département qe la

Haute­Garonne ainsi que dans celui de l'Aude.

La toponymie permet de retrouver des témoignages des anciens bâtiments qui ont parsemé la campagne : L'Oustal pour la maison d'habitation ; La Borio et La Bouriette, La Métairie, La Borde et le Cazal pour les métairies ; La Jasse pour la bergerie ; Lescuro pour le fenil en 1596, alors que le même document emploie le seul nom commun fenial pour désigner la même notion ; Le Colombié pour ce que ledit document rend par le nom commun pigeonnier ; La Granche, La Grange, en notant que les lieux dits Grange Basse, GrangeHaute, Grange Neuve, Grange Vieille et Le Granjou, sur la montagne au-dessus de Soréze sont tous des bâtiments d'exploitation ayant appartenu à l'abbaye de Soréze.

Le lieu dit a las Peseilles en 1690, près des Pugets, fait référence aux bâtiments que les compoix disent en peseil, c'est-à-dire en pisé, procédé classique de construction parce que peu cher et rapide : bien des fermes encore sur pied sont ainsi construites.

Le hameau des Crozes tient son nom des silos à grain creusés dans le sol. Ce procédé est bien attesté à l'intérieur du village de Dreuilhe où le compoix de c. 1495 mentionne des crozes dans une maison et où des fouilles archéologiques, menées par Yves Blaquière et son équipe, ont révélé non seulement la présence de ces silos mais surtout l'existence de leur contenu, notamment de la céramique rouge datable de la première moitié du XIVe s.

Près de La Borio Basse, le cadastre napoléonien mentionne le lieu dit Escubos : le compoix de 1596 l'explique bien par la forme a las Cubes, pour désigner des cuves à vendanger.

 

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3.5. LES PERSONNES

 

Les noms de personnes sont très nombreux dans la toponymie de notre zone : c'est significatif d'une occupation récente du sol, qui s'étend du XIV' au XVIIIe S.

Quand le nom n'entre pas en composition avec un nom commun (comme, par exemple, Pétounat < Pech Donat c. 1495), on observe différents procédés de formation :

Le nom de famille au singulier, comme metterie dite de Dupuy en 1690 > Dupuy ; parfois accompagné du surnom comme al Bon Bernat c.1495 > Bombernat ; ou du nom de baptême comme a Jean Vidal en 1596 > Jean Vidal. Notons que le plus ancien témoignage, dans notre zone, du nom de baptême employé seul comme nom de lieu est celui de Berniquaut, castellum... Brunichellis en 1141.

Le nom de famille au singulier précédé de la particule en "monsieur" comme a l 'Ancolom c. 1495 > En Couloun.

Le nom de famille au pluriel comme als Peris c. 1495 > Les Peris.

Le nom de famille muni du suffixe -IA comme La Jalabertie en 1690, dite als Jalaberts c.1495 > La Jalabertie.

Le nom de famille muni du suffixe -ARIA comme a la Bouyrie en 1596, dite aussi En Boyer dans le même compoix > Enbouyé.

Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner la formation du type aquo d'En Salviou en 1596, que les toponymistes du XXe s., la voyant fréquemment sur les cartes topographiques, ont attribuée à des erreurs des ingénieurs topographes des XIXe et XXe s. : ceux-ci, en enquêtant sur le terrain, auraient demandé aux paysans le nom des fermes et se seraient entendu répondre : aco de X "c'est la ferme de X". Les attestations fournies par les compoix de la région permettent de balayer définitivement une des âneries de nos chers confrères.

 

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 4.1. ORGANISATION DU TERROIR 

 

Autour de la ville de Revel sont organisés les barrys, autrement dits faubourgs, composés de petits bâtiments d'habitation, de vergers et de jardins, le plus souvent habités par des personnes exerçant expressément la fonction de travailleur de terre, mais aussi des artisans.

Au-delà des barrys sont les padouencs, sorte de pâturages communslaissés aux habitants, notamment les plus pauvres. La ville étant composée de quatre barrys, dits de Castres (an N.), de Soréze (à l'E.), de Notre-Dame (au S.) et de Saint-Antoine (à l'O.).

Les flancs de la Montagne Noire sont occupés par des bois et des 'Àgnes ; la plaine étant, en revanche, plus favorable aux terres labourables et aux prés et pâtures.

 

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4.2. TERRES LABOURABLES

 

Les terres labourables sont, d'après les compoix, plus nombreuses que toutes les autres catégories de terres, précédant, dans l'ordre décroissant, les vignes, les prés, les taillis, les bois et les terres incultes.

 

Et pourtant, ce sont elles qui ont laissé le moins de traces dans la toponymie : quelques rares parcelles appelées Camp suivi du nom du propriétaire, plus rarement Campet, c'est-à­dire "petit champ". De rares Longaignes, nom donné aux terres de forme allongée. Les jardins sont aussi mentionnés, tels les Horts ou l'augmentatif Ortas en 1596. Mais surtout La Parre à Durfort, nom donné aux petits jardins enclos de murs et proches de l'habitation.

La jachère, terre mise au repos pendant au moins un an, n'apparaît qu'une fois dans la toponymie, ce qui paraît assez significatif d'une agriculture qui semblait peu l'employer : la Boute, en 1667 à Durfort (occ. bouta "jachère").

 

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4.3. PRES ET PATURES

 

Les noms communs que citent les compoix sont padouenc, patis, prat et paissieu. Le premier désigne le pâturage communal, le second la part de terrain indivis devant chaque maison rurale, le troisième le pré, le dernier le pacage.

Les quatre padouencs évoqués plus haut portent un nom linguistiquement intéressant : dans la toponymie, en effet, le nom de lieu Padouenc apparaît à l'intérieur du seul domaine gascon, c'est-à-dire dans le vaste triangle formé par la Garonne, les Pyrénées et l'Atlantique. Il est donc surprenant qu'il se soit implanté à plus de cinquante kilomètres à l'Est de sa zone de prédilection. Il n'est qu'une seule explication : ce sont des Gascons qui ont importé le nom dans la jeune bastide de Revel à la fin du Moyen Age, et ce nom a subsisté jusqu'à nos jours dans la toponymie.

Les prés sont figurés par les nombreux Prat suivis du nom du propriétaire, les augmentatifs Prade et Pradal, les diminutifs Pradet, Pradine et Pradadure. Tout près de Montcausson, le compoix de 1596 mentionne le lieu dits alz Rivalz, qui désigne des prés en pente sur la plaine du Laudot. A propos des prés, nous réserverons une mention particulière à deux prés conjoints, le Prat del Bal mentionné dès 1596 et le Prat Jouven "destiné à la jeunesse" cité seulement en 1690, son émanation pourrait-on dire Je compoix de 1690 nous parle de ce "pred dit le Prat del Bal quy sert pour la junesse de Revel al Pont Pauly". D'après les historiens locaux, ce pré servait aux jeunes de Vauré, pendant la fête de la Pentecôte, pour pratiquer des exercices militaires et jeux d'armes : le nom du lieu ne masque pas le bal.

La pâture ne laisse guère de traces, sinon par le lieu dit Le Patus à Durfort.

Près des Pugets, les compoix attestent de la présence du lieu dit Les Fumades, c'est-à­dire l'endroit fumé par le parcage des animaux.

La carte de répartition ancienne des prés et pâtures, établie d'après les compoix des XVe et XVIe s., les montre surtout dans les plaines humides, les fonds de vallons et les coteaux parmi les bois.

 

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4.4. VIGNES, JARDINS ET VERGERS

 

Si le mot vinha est le plus fréquent dans les compoix, de temps en temps reviennent les mots malhol et plantié qui recouvrent tous deux la notion de vigne récemment plantée.

Dans la toponymie, si Vigne ne se compte plus, l'on trouve aussi des Vignette ("petite vigne"), Maliols et Plantié, mais aussi des Moilloulasse ("mauvaise vigne") et des Maliols Viels en 1690, signifiant par là-même non seulement que les vignes ne sont plus jeunes, mais encore qu'elles ont été arrachées au profit de seules terres labourables. Les lieux-dits La Trille ("treille") et les quelques Claus ("vignes encloses") sont tout autant révélateurs de la présence des vignes. Plus tardive, du XVI s., est l'apparition des Vinhé, que nous appellerons aujourd'hui les vignobles.

 

Liés aux vignes, deux noms qui parlent : une vigne dicte la Blanquette en 1596 à Bombernat ; et la métairie nommé sur le tard (début XIXe s.) Cotedor, aujourd'hui Calès, pour désigner un petit vignoble accroché à la montagne.

Participent, quoiqu'indirectement, à l'évocation des endroits caillouteux idoinqî pour la culture de la vigne : Malajournade ("mauvaise journée"), mais aussi les Cantocoucut, Cantegreil, Cantemerle, Canteperdix ("(lieu(x) où) chante(nt) le coucou, le grillon, le merle, la perdrix"), les Gratte Lauzes et Grattelèbrés ("(lieu(x) où se) gratte(nt) l'alouette, le lièvre"), noms employés fréquemment en France et dans toute la Romania pour évoquer ces lieux pauvres, difficiles et âpres, impropres à toute culture autre que la vigne.

La carte de répartition ancienne des vignes les montre principalement sur les coteaux, avoisinant particulièrement les bois, les taillis et les terres incultes.

 

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4.5. TERRES INCULTES

Les compoix mentionnent fréquemment les erms, ermetats et racissas ("friches"), ainsi que des brugas ("landes de bruyère").

Dans la toponymie, on retrouve, pour nommer les friches, Bel-Air < bel herm, Racisse, mais aussi La Landelle et Bousigues ; les terres incultes, Garrigue et La Garrigolle ; les landes de bruyère, Brugos et Bruyère, nom d'implantation récente ; la ronceraie, Roumenguière ; lai onchaie, Jonquas.

Ces noms sont significatifs de friches au moment de leur nomination : leur mise en culture implique alors qu'ils perdent leur sémantisme. D'où Falgaditz, seul nom de notre zone qui désigne un défrichement, attesté, et ce n'est pas un hasard, dans le compoix qui tourne la page du Moyen Age, vers 1495.

La carte de répartition ancienne des terres incultes les montre presque toutes sur des coteaux ainsi que sur les contreforts de la Montagne Noire sur la rive gauche du Laudot.

 

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4.6. BOIS ET TAILLIS

 

Les compoix mentionnent l'existence de nombreux bosc, bois de haulte fustée, vernhade "bois d'aulnes", albarede "bois de peuplier".

De même, ils mentionnent quatre grosses forêts: la forêt royale dite de Vauré, bien délimitée, le Bosc Drulhes situé au-dessous, autour de la route qui mène à Dreuille, le Bosc de la Villa, encore plus près de Revel, qui appartient au consulat mais est concédé en parcelles aux habitants et, sur le côté oriental, en plaine cette fois, la forêt dite de Caraman. Dans une lettre donnée le 21 février 1341, Philippe VI déclare son intention de « créer une nouvelle bastide dans notre forêt de Vauré ». Un document de 1359 montre que ladite forêt, suite au défrichement mené pour bâtir la ville, assainir ses environs et ouvrir des jardins particuliers, a été coupée en quatre morceaux de superficie inégale, Pépelier étant le point le plus occidental du nemus vocatus Druilhens (le Bosc Drulhes de vers 1495) et de la forestam regiam de Bauro.

De la forêt royale, le nom de l'écart Fourest est le dernier témoin. Autour de la plupart des hameaux, portant leur nom, les compoix mentionnent des Bosqués, donc des petits bois qui en dépendent. De bosc sont dérivés les noms de Enbouscade et Bouscaillou. Eparpillés, des toponymes nous redisent les essences de ces bois : Piboulettes et Piboulades pour les peupliers, Pinete pour les pins, Laffage pour les hêtres, Trémoulède pour les trembles, Lourmette pour les ormes, Nouguieres pour les noyers, Avelanies pour les noisetiers et Figuiers pour les figuiers. De nombreux noms d'arbres apparaissent dans la toponymie, mais au singulier : pour désigner soit un arbre isolé qui sert de repère dans une parcelle ou un terroir, comme Le Sahuc ("sureau"), soit un ensemble d'arbres de la même espèce, comme La Vaysse ("noisetier").

Les compoix mentionnent aussi de nombreuses pièces de terre qualifiées de bartas "broussailles" ou de talhadas voire taillis "taillis". Le premier mot a engendré plusieurs lieux dits Barta mais aussi le Bartas (au sens de "buisson épais") et Bartissol. Répondent à la notion de taillis, non seulement des lieux dits Tallades, mais aussi La Pergue et Gamasse.

La carte de répartition ancienne des bois et taillis les montre partout, sur le plateau de Couffinal, en plaine, sur les coteaux et la Montagne, témoins du déboisement des forêts qui se trouvaient encore là avant la fondation de la bastide de Revel en 1342.

 

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5.1. MOULINS ET MARTINETS

 

LES MOULINS sont nombreux dans la région, plus souvent à eau qu'à vent. Ils sont mentionnés sur toutes les rivières et nombre de ruisseaux, les compoix citant principalement les molis bladier "moulins à blé", mais aussi des molins pastellier dès le XVIs. à Vauré etDreuilhe. La toponymie en recèle de nombreux exemples, le plus notable étant la Moulinasse, nom d'un moulin considéré comme vieux en 1596, proche de la Borio Naouto.

D'autres types de moulin apparaissent : Las Paradas, c.1495, pour désigner des moulins à foulon (qui servent à la draperie) ; La Ressegue en 1559 pour désigner une scierie hydraulique. Les plus nombreux sont les martinets, moulins à marteau pour le métal, apparus à la fin du XVe s. dans la vallée de Durfort sur le Sor.

La toponymie permet aussi de reconstituer l'environnement des moulins : Le Bézat évoque le bief, L'Esca(m)padou l'épanchoir, La Payssière la chaussée, La Peyrade le séchoir.

 

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5.2. TRANSFORMATIONS ET COMMERCIALISATIONS

 

La meunerie a laissé des traces en ville, avec la rue du Four (banal) au XVIe s., devenue au XIXe s, la rue des Fours de par la présence de fours de minotier.

La tannerie de même, avec la rue de las Afacharias au XVe s., appelée au siècle suivant de la Tinieyra puis des Curateries, ces trois mots évoquant la même activité.

La draperie est évoquée dans les compoix par l'existence, en ville, de nombreuses tendas dans les jardins, derrière les maisons : c'est le nom des perches qui servaient à faire sécher les draps (et probablement aussi les peaux). Le nom de lieu Al Tendal, sur Durfort, en est le témoignage : en 1544, une charte cite une logade de tende au lieu dit al Tendal. Le lieu dit La Buade évoque la lessive, de même que Tremperuscades ("(lieu où l'on) trempe les lessives") situé entre Gouttemirou et La Jasse au XVIe s.

La métallurgie se retrouve avec La Farguette ("petite forge") et Le Fargassou ("forge abandonnée ou en mauvais état").

Le lieu dit Beyriere, à la limite de Couffinal et de Belleserre, témoigne de l'existence ancienne d'une verrerie.

L'exploitation de la chaux est assurée dans Les Caussignères où reposaient, c.1495, des forns caussiniers ("fours à chaux").

Les tuileries sont plusieurs fois citées dans les compoix, notamment de 1596, que ce soit sous forme de nom commun (ainsi à Belesta et à Vaudreuille), désignant des établissements en fonctionnement, ou comme nom propre (ainsi à Vauré et près des Caussignères), désignant des lieux où les établissements ne fonctionnaient peut-être déjà plus.

La toponymie a enfin conservé des noms de métiers : par exemple L'Escloupié ("le sabotier") ou Les Ouillés ("les potiers") qui nous rappelle que c'est la poterie qui a fait vivre le hameau pendant ces derniers siècles.

 

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5.3. LE PORT

 

La construction de la rigole permettait à des barques d'amener du matériel, et notamment du bois, jusqu'au seuil de Naurouze. En 1667, Pierre Paul de Riquet fit construire, à l'emplacement actuel de la piscine, un petit port d'embarquement, qui fut aussitôt baptisé Port-Louis en l'honneur du roi Louis XIV. Notons que, cinquante ans plus tôt, en 1616, Richelieu fit construire un grand port à l'embouchure du Blavet, près de Lorient, avec une ville qui fut aussi baptisée Port-Louis, en l'honneur de Louis XIII. Manifestement, l'honneur ne se mesurait pas à la taille du port...

 

 

La connaissance de la toponymie permet et incite à regarder les paysages d'un regard autre que consommateur, en donnant la capacité d'appréhender l'histoire et l'organisation du paysage à la lecture des noms écrits sur les pancartes mais aussi sur les cartes topographiques. D'une certainemanière, ces noms fixent le temps passé.

Les noms de lieux, cependant, ne sauraient être compris dans cette seule vision de temps figé: en vérité, certains d'entre eux disparaissent au bout d'un laps de tempwariable, tombés dans l'oubli, ou remplacés par d'autres pour des raisons diverses, voire même déplacés. Le territoire de Revel n'en est pas exempt. La toponymie a beau être un patrimoine historique et linguistique, elle évolue avec le temps, avec la langue, dans l'espace. Mémoire du passé du pays, elle vit encore aujourd'hui : en modifiant certains noms, en en oubliant d'autres, citoyens et élus bâtissent la mémoire de demain.

 

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Bibliographie'

 

Ch. CAMBON et alü, Carte archéologique de la Gaule. Le Tarn. 81, Paris, 1995.

V. COLLADO, Le Cadre de vie à Revel au XVIIle siècle. Décor urbain et Vie quotidienne d'une bastide du Languedoc (1700-1790), Mém. Maîtrise, Univ. Toulouse, 1997.

J. FABRE DE MASSAGUEL, L'Ecole de Soréze de 1758 au 19 Fructidor an IV (5Septembre 1796), Toulouse, 1958.

S. MALARY, Le canton de Revel en Lauragais de l'Antiquité à la fin du Moyen-Age, Revel, 1990.

E. NÈGRE, "Berniquaut - Verdun", Revue du Tarn, 51, 1968, 379-380. E. NÈGRE, Les noms de lieux du Tarn, Toulouse, 19864.

E. NÈGRE, "Sor et Soréze", Revue internationale d'Onomastique, XXI, 1969, 217-221. E. NÈGRE, Toponymie du canton de Rabastens, Toulouse, 19812.

E. NÈGRE, "Un Verdun oublié à Soréze", Revue internationale d'Onomastique, XXI, 1969, 141-143.

P. REDON, "Noms de lieux et de familles de la région de Revel", Les Cahiers de l'histoire de Revel, 1, 1994, 5-51.

Revel raconté par Pierre Antoine BARRA U (1850-1860), Léodère GERY (1903), Gustave DOUMERC (1976), Toulouse, 1992.

Fr. VIDAILLET et N. POUSTHOMIS-DALLE, "Archéologie et toponymie : essai sur un terroir de moyenne montagne, Durfort dans le Tarn", Nouvelle Revue d'Onomastique, 27-28,1996,169-197.

M.-A. WINTER, Eglises et chapelles de la Haute-Garonne. Le canton de Revel, Toulouse, 1999.

 

 

 Nos vifs remerciements à Jean Hébrard qui nous a fait bénéficier de sa connaissance très fine de l'histoire de la ville et de ses environs, de ses conseils, sans jamais ménager son temps.

 

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